Par Bernice L. Graham
Je suis malentendant, mais j’ai inconsciemment appris à lire sur les lèvres. Des appareils auditifs bilatéraux me transmettent certains sons et si je fais face à l’interlocuteur, je peux prendre part à une conversation, mais le bruit de fond est destructeur. Bien que je sois « différente », je suis reconnaissante pour mes 78 ans d’existence.
J’ai installé la télévision par satellite en octobre 2010 pour avoir accès à notre gouvernement. Je voulais la « vérité » – toute la vérité. J’ai été surprise! Seule la période des questions était soustitrée. J’avais besoin de sous-titrage pour toutes mes émissions de TV. Cette situation a déclenché ma recherche d’un accès en direct à toutes les sessions télévisées de la Chambre.
La déficience sensorielle à long terme est comprise comme handicap dans la définition de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, « …tous les États parties à la Convention (Canada compris) doivent promouvoir, protéger et assurer la pleine jouissance des droits de la personne aux personnes handicapées et garantir leur pleine égalité juridique ». Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) a affiché sur son site, « … pour les personnes malentendantes, l’accès aux débats parlementaires est non seulement un service essentiel, mais aussi un droit démocratique ».
Avec ces principes à l’esprit, j’ai entrepris de faire valoir mon droit d’accès aux affaires de notre gouvernement.
Un employé du bureau de l’honorable Peter Van Loan (PCC) m’a propose trois options incorrectes. L’une d’elles était d’apprendre le langage des signes français (guère utile). Je suis anglophone et donc je n’utilise pas le langage gestuel. L’employé du depute Patrick Brown du PCC m’a dit qu’il ne pouvait pas me parler parce que je ne résidais pas dans sa circonscription.
CPAC, la chaîne qui télédiffuse les sessions parlementaires, m’a appris qu’elle « … fournit le sous-titrage en direct de la période des questions; … elle transmet tous les débats exactement tel qu’ils nous sont fournis; la Chambre et le Sénat sont responsables du sous-titrage de leurs émissions. (Aucune de ces réponses n’était utile.)
Des courriels du CRTC offraient différentes explications : la licence de CPAC exige que 90 p. 100 des émissions soient sous-titrées : son document, Décision de radiodiffusion CRTC 2002-377, stipule que « … les débats de la Chambre des communes doivent être accessibles à tous les Canadiens ». Gary Malkowski, conseiller spécial auprès du président, SCO, a déclaré, « … la Commission canadienne des droits de la personne et le CRTC n’ont pas le mandat de régler les questions de sous-titrage compte tenu du « privilège » de la Chambre des communes ». Durant la période des questions du lundi 14 mai 2012, le ministre Jim Flaherty a déclaré, « … à la fin de la journée, le gouvernement définit les règles ». (Vrai, mais il apprécie l’immunité que leur procurent les règlements du CRTC et de la CCDP.)
J’ai alors expédié un courriel à l’honorable James Moore, (PCC), ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, de qui j’ai entendu dire qu’il était le ministre apte à régler ce problème. (Pas de réponse.)
Le bureau du chef du NDP, Jack Layton, a répondu rapidement comme suit, « Nous souhaitons vous remercier d’avoir porté la question du soustitrage à notre attention. Nous vous félicitons de prendre la défense de vos droits en transmettant cette questionau CRTC et à CPAC ».
Une lettre adressée au président de la Chambre Peter Milliken en mars 2011 a reçu cette réponse : « La Chambre des communes partage votre engagement à fournir à tous les Canadiens un accès étendu aux débats des parlementaires. Nous poursuivons nos efforts en vue d’étendre les services de sous-titrage pour accorder un accès de grande envergure aux débats du Parlement et à ses membres ». Les services de soustitrage sont disponibles sur ParlVU. (Faux!)
En septembre 2011, l’honorable Ralph Goodale (PLC) a participé à une séance d’information avec Beverley Milligan, directrice générale de Media Access Canada (MAC). Il a reconnu « … que le Comité du patrimoine devrait se pencher sur le problème et le corriger ». Beverley a également rencontré l’honorable Carolyn Bennett (PLC) et elles ont informé le depute Scott Simms (PLC), vice-président du Comité du patrimoine. Par suite à ces rencontres, Mme Elaine Diguer, directrice, Services multimédias de la Chambre des communes, a décrit à Beverley les difficultés éprouvées depuis des années et a mentionné « qu’ils n’étaient qu’à quelques mois d’une solution ». (Ce n’est pas le cas.)
À ce moment, j’ai téléchargé iChannel afin de regarder un programme qui permet à l’auditoire d’Internet de poser des questions aux députés de tous les partis. (Oh! Pas de soustitrage!)
J’ai immédiatement apostrophé Pam Ward, la productrice, à propos de ce problème. Dans les trois mois qui ont suivi, toutes les émissions étaient sous-titrées. (Prodigieux!). Ce programme m’a donné la possibilité de demander à plusieurs députés pourquoi les sessions de la Chambre des communes n’étaient pas sous-titrées. Réponses : « … lisez le Hansard; communiquez avec James Moore;
envoyez une lettre au Président de la Chambre ». (J’y ai pensé, c’est fait!)
En mars 2012, une lettre du leader parlementaire libéral Francis Scarpaleggia au président de la Chambre Andrew Scheer fournissait une réponse familière et incluait, « … en 2004, … un partenariat a abouti à la sélection de technologies de reconnaissance de la voix à l’appui… des services de soustitrage… pour les débats télévisés ». (Guère utile!). Le député Rodger Cuzner (PLC), sur un site Web de clavardage du PLC, m’a encouragé à poursuivre le combat. Au cours d’une rencontre personnelle, le chef intérimaire du PLC, l’honorable Bob Rae, a déclaré, « Nous étudions le problème et on vient juste de déterminer comment le régler ». L’honorable Carolyn Bennett a indiqué qu’ils tentent de déposer une motion. (Enfin des progrès! Et bien… pas tout à fait.)
Un employé de l’honorable Rob Nicholson, ministre de la Justice, a transmis ma correspondance à l’attention du ministre Moore. (Pas de réponse.) Le bureau du député du PCC James Rajotte a répondu, « …dès que l’occasion se présentera, vos points de vue et vos suggestions seront attentivement étudiés ». (Pas d’action manifeste.) Le député du PCC Kyle Seeback a accepté d’en parler au président de la Chambre Scheer. Des contacts avec sept autres députés du PCC ont été infructueux.
Mon courriel à Nycole Turmel du NPD a été transmis à Manon Perreault du NPD. Son assistant parlementaire a répondu, « … le fait de rendre notre démocratie accessible aux personnes ayant une déficience auditive est un de nos enjeux prioritaires à notre bureau; personne ne devrait avoir à supplier, à plaider ou à se battre pour ses droits à l’égalité, ces droits devraient simplement être effectifs ». (Une réponse encourageante.) Ultérieurement, Beverley Milligan a organisé une rencontre avec la députée Perreault à Ottawa qui s’est traduite par un renvoi à quelqu’un d’autre. Sept autres députés du NPD et la députée Elizabeth May n’ont pas répondu à mes courriels.
Un avocat à l’emploi de la Clinique juridique ARCH pour les personnes handicapées a présenté un rapport excellent et complet traitant de plusieurs aspects du problème. J’en ai retiré que l’on pouvait espérer le succès d’une action en justice, au besoin. (Retour à la planche à dessin.)
Au printemps 2012, on apprenait que le président de la Chambre Scheer ajouterait la question du sous-titrage à l’ordre du jour du Bureau de régie interne à l’automne.(Formidable!)
En novembre 2012, une pétition a été réalisée demandant que la Chambre assure le sous-titrage de tous les débats de la Chambre des communes. L’honorable Carolyn Bennett et Kevin Lamoureux du PLC ont grandement contribué à cet effort. Vingt-cinq membres de l’ALF York-Simcoe ont signé la pétition. L’honorable Carolyn Bennett l’a ultérieurement présentée la Chambre. La réponse signée par le
ministre James Moore stipulait entre autres que la Chambre est responsible de tout le sous-titrage. (Ce n’était pas une solution!)
Oui, la défense des droits l’emporte! Le lundi 28 janvier 2013, 28 mois plus tard :
« …oui, le sous-titrage des débats de la Chambre est maintenant un service permanent. » (Services multimédias de la Chambre) (ParlVU est aussi entièrement sous-titré).
Au nom de la communauté des personnes malentendantes et sourdes, je souhaite remercier vivement toutes les personnes qui ont consacré leur temps à assurer l’accès au sous-titrage en direct de tous les débats de la Chambre.