La dépendance dont on ne parle pas

Marshall Chasin
April 9, 2013

par Marilyn Dahl

Republished from the August 2007 issue of Listen/Ecoute, with kind permission of the Canadian Hard of Hearing Association.

Nous entendons beaucoup parler de pollution par le bruit dans la société contemporaine mais on ne parle pas de la dépendance au bruit dans les medias populaires. Précisons que par « pollution » on veut dire quelque chose qui souille –par exemple l’environnement, et par « dépendance » une chose à laquelle une personne est attachée ou se consacre totalement et qui est personnellement nocive. La pollution par le bruit contribue certainement à la dépendance au bruit,mais la dépendance au bruit ne dépend pas nécessairement de la pollution par le bruit.

Les sons aigus ne sont pas les seuls bruits susceptibles de nuire à votre santé. C’est un mythe de croire que « ce que vous ne pouvez pas entendre ne peut pas vous faire mal ». Il y a des niveaux sonores de bruit qui peuvent être nocifs pour votre santé mais que vous n’entendez pas nécessairement. En termes simples, le son résonne dans les cavités corporelles. En outre, les sons haute intensité/graves et les infrasons (c’est-à-dire sous 20 Hz) sont les plus susceptibles de causer la résonance dans les cavités corporelles comme la poitrine et l’estomac.

Les basses fréquences (graves) ne causent pas de déficiences auditives mais seulement des effets chocs (p. ex. nausées et étourdissements) à des niveaux de très haute intensité d’exposition. Il y a des exceptions dans le cas de sujets très vulnérable – lors d’un récent bal de mariage, avec le niveau habituel d’amplification de la musique, les symptômes de mon frère qui avait un problème de vertige ont été tellement exacerbés qu’il a dû garder le lit le lendemain. Le fait d’insérer des bouchons d’oreille pour atténuer le bruit dans un milieu bruyant, qu’il s’agisse de musique grave très amplifiée, d’avions, de voitures de course ou d’autres engins motorisés, ne diminuera pas les effets des sons haute intensité/graves vibrant dans tout votre corps… pas plus que de fermer votre appareil auditif.

Pourquoi les gens deviennent dépendants aux sons haute intensité/graves? Le psychologue Bart P. Billings (« Feeling the Music Can be Dangerous to your Health » dans Sound Health) explique sa théorie du processus de dépendance aux sons haute intensité/graves. Le phénomène touche à la libération d’endorphine. Les personnes qui courent éprouvent souvent de la douleur causée par les traumatismes articulaires. Le corps libère l’endorphine et l’adrénaline pour produire une anesthésie contre la douleur et pour améliorer la performance. La libération de l’endorphine crée une expérience d’euphorie et de sommet – l’état « high » des coureurs. De la même façon, les spectateurs d’un concert de rock ou les danseurs au rythme de la musique moderne s’extasient devant « l’énergie » qui fouette la foule. La douleur causée par les vibrations haute intensité/graves est atténuée par l’endorphine libérée dans le cerveau et les participants se sentent exaltés plutôt qu’épuisés.

Les « boum-badaboum » graves transforment votre corps en tambour. B. Billings mentionne que les personnes qui vont à des concerts de rock se préparent (subconsciemment) à la douleur physique qu’elles vont ressentir à cause de la musique haute intensité/grave en s’anesthésiant d’abord à l’alcool – d’où les aires de stationnement couvertes de bouteilles, de verres et de cannettes vides avant le spectacle. Souvenez vous de la dernière fois où vous avez regardé un film d’action. Les sons graves deviennent plus intenses à mesure que l’action progresse, jusqu’à ce que vous soyez assis sur le bord du siège, le coeur palpitant et la pression sanguine élevée (libération d’endorphine). Au bout du compte, que ce soit un film ou un jeu vidéo, la personne est « excitée » et en veut plus.

En 1987, alors que j’abordais le sujet des hautes intensités/graves comme source de traumatisme corporel (Barry Truax, Acoustic Communication, SFU), aucune recherche n’avait été réalisée sur ce phénomène. Maintenant, une recherche sur « noise addiction/dépendance au bruit » sur Internet conduit à 1 280 000 articles! Jetez-y un coup d’oeil… en commençant par l’article de B. Billings. Des chercheurs proposent maintenant de nouvelles catégories de diagnostic.

L’expression « syndrome vibro-acoustique » fait référence aux effets dommageables à long terme des ondes sonores haute intensité/graves sur toutes les parties du corps, sur les systèmes neurologiques, psychiques et physiques, en plus de l’incidence sur le comportement humain et la performance. Des compagnies d’assurance adhèrent maintenant au principe selon lequel les conducteurs qui écoutent la musique réellement forte sont moins sécuritaires.

Une autre classification diagnostique proposée (Michael Phillip Wright) est les « troubles dus à la dépendance au stimulus audio » (Audio Stimulus Dependency Disorder) (ASDD). M. P. Wright s’intéresse à la possibilité de déficience auditive induite par la musique forte ainsi qu’à la dépendance au besoin de musique en tout temps dans l’environnement d’une personne. La prolifération de systèmes audio et vidéo dans les lieux publics, y compris les salles d’étude, a créé le besoin de stimulus audio et vidéo, tout comme le fait l’utilisation de systèmes d’écoute individuels.

Des parents signalent que lorsque des émissions pour les enfants passent à la télévision, l’amplification sonore est rehaussée. La prochaine génération d’enfants dépendants (« accros ») au bruit est dors et déjà endoctrinée.

M. P. Wright propose une liste de vérification des ASDD comportant neuf questions pour déterminer dans quelle mesure vous avez besoin d’un appareil de radio ou stéréo allumé pendant que vous lisez, étudiez, travaillez ou socialisez, pour vous endormir ou en conduisant. Si vous ne vous pouvez pas vous passer de musique dans chacune de ces situations, selon M. P. Wright, vous avez un trouble dû à la dépendance au stimulus audio. Cela ne veut pas dire que la musique est mauvaise ou malsaine. Bien au contraire. Il existe diverses formes de musique qui peuvent relaxer, calmer ou stimuler sans dommages. Par contre, la musique qui fait mal et qui cause des dommages physiologiques est dangereuse.

Il y a la musique aiguë forte dont nous tous connaissons les dangers potentiels et les sons haute intensité/graves présentant un risque beaucoup plus malicieux de causer la dépendance.

Quel traitement suggère-t-on? Essayez de passer une journée sans écouter la radio, la télévision ou la chaîne stéréo. Parlez à un ami. Jouez à des jeux. Lisez. Usez de votre imagination. Méditez. Faites une ballade sans lecteur de musique. Jouez du piano ou de tout autre instrument sans amplification. Amusez vous à votre façon. Répétez le traitement jusqu’à ce que vous soyez libéré de votre habitude du bruit. En êtes-vous capable?

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