Par Mark Wafer
Discours principal de l’assemblée générale annuelle de la SCO
Bonjour, c’est un plaisir d’être ici ce matin pour aborder un sujet auquel chacun de nous ici présent s’est trouvé confronté à un moment dans sa vie : un emploi intéressant. Mais permettez-mod’abord de vous parler de moi et de la façon dont je me retrouve ici aujourd’hui. Mes parents étaient deux ouvriers irlandais immigrants qui travaillaient dans le transport par autobus à Londres, en Angleterre. Mon père était chauffeur et ma mère était conductrice chargée de percevoir les tickets. Ils avaient un circuit rural qui leur donnait l’occasion d’effectuer un arrêt de 30 minutes. Alors… neuf mois plus tard, je naissais. J’ai passé de nombreux étés en Irlande et j’ai immigré auCanada à 12 ans.
Je suis né avec une audition de dans chaque oreille. J’ai été envoyé à l’école avec des appareils auditifs qui avaient plutôt l’air d’un « ghetto blaster » des années 1980. Ils ne fonctionnaient pas et dès mon jeune âge, j’ai ressenti la douleur de l’exclusion de la part d’enseignants bien intentionnés, mais ignorants et de membres de ma famille qui pensaient toujours savoir ce qui était préférable pour moi.
J’étais un étudiant brillant et dans une classe de surdoués, bien quemes professeurs m’aient exclu des sports par crainte que je me blesse et des excursions scolaires parce que je pouvais me perdre ou, en croisière sur une rivière, probablement sauter par-dessus bord et me noyer. Saviez-vous que les personnes sourdes pouvaient s’égarer aussi facilement?
À chaque étape de ma route, peu importe l’ampleur de mon succès, je me suis toujours heurté à des obstacles… des obstacles que d’autres dressaient devant moi. Mes parents étaient occupés à tenter de gagner leur vie et à élever une famille. Ça me laissait seul face à la plupart des problèmes et je crois que le fait d’être constamment démoralisé, et comme on pouvait s’y attendre, brimé, a fait de moi ce que je suis aujourd’hui : peut-être un peu plus fort.
Je suis arrivé au Canada en 1974; j’ai fréquenté des écoles régulières puis le collège dans le domaine du travail social. Toutefois, dès mon jeune âge, j’avais une passion pour la course automobile. J’ai assisté à de nombreuses courses et finalement, à l’âge approprié, j’ai suivi des cours pour devenir pilote de course.
J’ai été travailleur social en gériatrie, mais me rendant compte que tous mes amis dans le sport automobile gagnaient plus d’argent dans le commerce automobile, j’ai laissé le travail social et j’ai passé 15 ans dans le secteur automobile comme gérant et finalement comme directeur des opérations fixes dans ce qui était à l’époque le plus grand concessionnaire automobile du Canada.
J’avais du mal à conserver un emploi quand j’étais jeune, en partie parce que j’étais paresseux et insouciant, mais également parce que j’étais sourd. J’ai eu un emploi au Loblaws comme commis aux chariots d’épicerie, mais je n’entendais pas les annonces medemandant d’aller dans le stationnement pour rentrer les chariots, alors j’ai perdu cet emploi. Lorsque j’étais dans la fosse à changement d’huile chez Mr. Lube, le technicien devait me crier de remettre le bouchon de vidange du carter d’huile. J’ai aussi perdu cet emploi. J’ai travaillé au Baskin Robbins – 31 saveurs de crème glacée, mais tout le monde obtenait la mauvaise.
J’ai également perdu cet emploi. Cependant, lorsque j’ai travaillé chez Chrysler, le propriétaire savait que j’étais un atout pour son commerce. J’aimais mon travail et je réussissais bien. Le propriétaire a payé pour mes appareils auditifs de haute technologie qui ne fonctionnaient pas, mais il reconnaissait ainsi la valeur de ma contribution. Lorsqu’un directeur a dit au propriétaire que l’audition de Mark était un problème et que Mark devrait être remercié, le propriétaire a congédié le directeur et m’a confié ce poste.
Au début des années 1990, mon épouse Valarie et moi avons décidé d’acheter une franchise Tim Horton. À l’origine, nous voulions acheter une concession automobile, mais cela demandait d’importants capitaux et en général des partenaires. On nous a offert notre premier Tim Horton à Scarborough en 1995 et c’est là qu’a débuté toute l’histoire de l’emploi de personnes handicapées.
Une semaine après l’ouverture de notre premier établissement, j’ai constaté que je ne pouvais pas m’occuper de la salle à manger, des tables, de la vaisselle et du fonctionnement du lave-vaisselle, j’avais donc un besoin, le besoin d’engager une personne pour accomplir ce travail. Une enseignante de l’école secondaire locale a vu mon annonce et m’a demandé s’il était possible que j’engage un de ses finissants. Clint Sparling, 23 ans, diplômé du cycle secondaire, était impatient de travailler.
Clint avait le syndrome de Down. À ce stade de mon existence, je n’avais pas une grande expérience des personnes ayant un handicap intellectuel et j’ai donc sollicité l’aide de Community Living Toronto, un important fournisseur de services disposant d’excellents formateurs en milieu de travail qui m’ont aidé à acquérir une formation. Comme vous pouvez l’imaginer, la formation allait prendre plus de temps et je travaillais déjà 18 heures par jour à tenter de lancer mon entreprise.
Clint est devenu un de mes meilleurs employés. Il a travaillé dans quatre établissements et en 2006, il a épousé sa petite amie du secondaire, il a acheté son propre condo et il vit aujourd’hui avec les buts et les rêves que nous avons pour nous-mêmes et pour nos enfants simplement parce Clint a un employ intéressant.
Par « intéressant », je veux dire deux choses : la première est que Clint doit être remplacé s’il ne peut pas se présenter au travail et la deuxième est qu’il reçoit un salaire concurrentiel. Ce n’est pas de la charité. Les postes accordés par charité nuisent en fait à l’emploi. Dès qu’il y a une régression des ventes ou des marges d’exploitation d’une entreprise, la première personne remerciée est celle qui occupe le poste accordé par charité.
Le succès que nous avons remporté avec Clint nous a permis d’engager d’autres personnes ayant un handicap intellectuel, habituellement dans des emplois au bas de l’échelle, mais alors que nous percevions les avantages pour notre entreprise, nous avons commencé à engager des personnes avec diverses incapacités dans tous nos services, de la logistique à la production et à la gestion.